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Demande de mise en liberté et conditions personnelles de détention

Pénal - Procédure pénale, Peines et droit pénitentiaire
26/11/2020
Dans un arrêt du 25 novembre 2020, la Cour de cassation a cassé un arrêt rejetant une demande de mise en liberté fondée sur des conditions de détention indignes. La Haute juridiction rappelle la nécessité d’apprécier le caractère précis, crédible et actuel des conditions. 
Le JLD rejette la demande de mise en liberté d’un homme. Son avocat interjette appel. Il affirme que le détenu donne une description de ses conditions personnelles de détention à la maison d’arrêt de Fresnes suffisamment crédible, précise et actuelle pour constituer un commencement de preuve du caractère indigne de sa détention et justifier des vérifications complémentaires.
 
Rappelons que dans un important arrêt du 8 juillet 2020, la Cour de cassation tirait les conséquences de la condamnation de la CEDH du 30 janvier 2020 pour traitements inhumains et dégradants en détention. Tout en renvoyant une QPC sur le sujet, elle jugeait que des conditions indignes de détention peuvent constituer un obstacle à sa poursuite. Elle précisait néanmoins que les allégations doivent porter sur la situation personnelle du détenu et non sur l'état général de l'établissement (Cass. crim., 8 juill. 2020, n° 20-81.739, P+B+R+I, v. Libération d’un détenu pour conditions de détention indignes : c’est désormais possible !, Actualités du droit, 8 juill. 2020).
 
Au cas d’espèce, la chambre de l’instruction décide de confirmer l’ordonnance. Elle note que sont décrites « essentiellement les conditions générales de détention à la maison d’arrêt ». Concernant ses conditions personnelles, il est mentionné qu’il « partage avec un seul co-détenu une cellule destinée à accueillir trois personnes et que les parloirs famille se déroulent actuellement à travers une vitre, ce qui l’empêche de toucher son fils âgé de deux ans ».
 
De plus, les juges du second degré ajoutent que le détenu, qui fait état d’une dépression, ne démontre pas en quoi ses conditions personnelles de détention affectent sa santé physique ou psychologique et ne justifie pas la prise d’anxiolytiques et d’un suivi psychologique. Enfin, l’obligation de voir sa famille derrière une vitre résulte de la crise sanitaire. Alors, « Ils concluent qu’il n’est pas démontré que les conditions personnelles de détention de M. X... sont indignes et constituent un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme qui justifierait des vérifications complémentaires ou sa mise en liberté ».
 
Un pourvoi est formé par le détenu.
 
Dans un arrêt du 25 novembre 2020, la Cour de cassation rejette son pourvoi. Elle rappelle qu’il résulte de l’article 593 du Code de procédure pénale que « tout arrêt de la chambre de l’instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ».
 
Ainsi, alors que la chambre a été saisie d’une description évoquant « une cellule infestée de punaises et de cafards, l’absence de chaise, la saleté repoussante des douches et le sous-dimensionnement de la cour de promenade », elle aurait dû apprécier le caractère précis, crédible et actuel, « sans s’arrêter au fait que cette description ne renverrait qu’aux conditions générales de détention à la maison d’arrêt de Fresnes, ni exiger du demandeur qu’il démontre le caractère indigne de ses conditions personnelles de détention ». Elle ne pouvait pas non plus exiger que le détenu démontre que ses conditions personnelles de détention affectent sa santé physique ou psychologique.
 
L’arrêt est cassé. Et la Cour renvoie la cause et les parties devant la chambre de l’instruction, autrement composée.
 
 Le 19 août dernier, la Cour de cassation avait rejeté une demande de mise en liberté fondée sur un risque élevé pour la santé et la sécurité du demandeur en période de crise sanitaire. Elle confirmait que pour retenir une violation des articles 2 et 3 de la CEDH, le détenu devait faire état de ses conditions personnelles de détention de façon suffisamment crédible, précise et actuelle pour constituer un commencement de preuve de leur caractère indigne. Tel n’était pas le cas en l’espèce (Cass. crim., 19 août  2020, n° 20-82.171, P+B+I, v. Détention provisoire, crise sanitaire et demande de mise en liberté, Actualités du droit, 26 août 2020).
 
 
 
Source : Actualités du droit