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Application des peines : attention aux débats contradictoires

Pénal - Procédure pénale
23/06/2020
La Haute juridiction rappelle dans un arrêt du 17 juin la nécessité pour une chambre de l’application des peines de fonder sa décision sur des éléments et des pièces discutés contradictoirement devant le premier juge, et de recueillir les observations du condamné non représenté en procédant à son audition. 
Le 5 septembre 2019, le juge d’application des peines (JAP) admet une libération conditionnelle à compter du 17 septembre de la même année à un détenu. Le procureur de la République forme un recours suspensif contre cette décision.
 
Pour infirmer ce jugement, la chambre de l’application des peines constate l’absence de son avocat et le dépôt d’un mémoire demandant la confirmation de la libération conditionnelle. Elle retient alors qu’outre ses antécédents judiciaires, l’intéressé possède un patrimoine important en Espagne et « qu’il n’a mis en place aucun échéancier avec l’administration des douanes pour s’acquitter de l’amende douanière de 37 000 euros prononcée par le tribunal correctionnel de Digne-les-Bains le 11 juillet 2018 ».
 
Les juges du second degré estiment ainsi que même si l’intéressé justifie d’efforts effectués depuis son incarcération, d’une possibilité d’emploi en Espagne, d’un logement et d’un entourage familial, « la mesure de libération conditionnelle-expulsion n’apparaît pas opportune, étant relevé au surplus que rien n’établit que son état de santé ne serait pas compatible avec la détention ».
 
Un pourvoi est formé par le détenu qui reproche à l’arrêt d’avoir statué sans l’entendre ni le faire comparaître alors que son avocat n’était pas présent. 
 
La Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel dans un arrêt du 17 juin 2020. Elle rappelle que :
- l’article préliminaire du Code de procédure pénale dispose que « la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties » ;
- l’article 712-3 de ce Code prévoit que lors de l’examen en appel des jugements mentionnées aux articles 712-6 et 712-7, « la chambre de l’application des peines statue après débat contradictoire, le condamné, représenté par son avocat, n’étant pas entendu sauf si celle-ci en décide autrement ».
 
Au regard de ces textes, la Haute juridiction estime qu’il appartenait à la cour d’appel « pour fonder sa décision sur des éléments de fait et des pièces qui n’avaient pas été contradictoirement discutés devant le premier juge, de recueillir les observations du condamné non représenté, en procédant à son audition, au besoin après réouverture des débats ».
 
 
 
À noter sur ce point que l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 adaptant les règles de procédure pénale pour faire face à l’épidémie de Covid-19, prévoit dans son article 11 que le tribunal de l’application des peines et la chambre de l’application des peines peuvent, sur décision du président du tribunal judiciaire ou du premier président de la cour d’appel qui constate que la réunion de la formation collégiale est impossible, « être composés de leur seul président, ou du magistrat désigné pour le remplacer, sans préjudice de la possibilité pour le président de renvoyer l’affaire à une formation collégiale si ce renvoi lui paraît justifié en raison de la complexité ou de la gravité des faits ». Et ce, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (a priori le 10 août, selon ce que vote le Parlement quant au projet de loi organisant la fin de l’état d’urgence sanitaire). L’ordonnance prévoit que ces dispositions ne peuvent entrer en vigueur qu’en application d’un décret constatant la persistance d’une crise sanitaire « de nature à compromettre le fonctionnement des juridictions ». Le décret n’a pas été publié.  

 
Source : Actualités du droit