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Détention d'un délinquant sexuel inadaptée à ses soins thérapeutiques : condamnation pour traitements inhumains et dégradants

Pénal - Droit pénal spécial
07/09/2016
Constitue une violation de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (CESDH) le fait pour un État de maintenir en détention une personne depuis plus de neuf ans dans un environnement carcéral, sans thérapie adaptée à son état de santé mentale et sans perspective de réinsertion, ce qui constitue une épreuve particulièrement pénible, le détenu étant soumis à une détresse d'une intensité excédant le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention. Telle est la substance d'un arrêt rendu le 6 septembre 2016 par la Cour européenne des droits de l'Homme (à rapprocher, CEDH, 26 avr. 2016, aff. 10511/10, Murray c/ Pays-Bas, Actualité du 2 mai 2016 ).

Les faits concernaient M. D. âgé de 19 ans, arrêté pour attentat à la pudeur sur un mineur. Le tribunal avait décidé de son internement, considérant qu'il était irresponsable et atteint d'un trouble mental. Interné dans une section de défense sociale de la prison où il réside depuis, il a bénéficié de permissions de sortie très encadrées. Différents rapports psychiatriques ont révélé qu'il était prédisposé à la perversion et à la pédophilie, qu'il présentait un risque de récidive très élevé et devait donc intégrer un établissement spécialisé. En 2015, le service psychosocial avait proposé que les sorties lui soient désormais interdites dans la mesure où il avait entretenu des contacts avec des mineurs. À partir de 2009, son maintien fut décidé dans l'attente d'un placement dans un établissement spécialisé. En 2012, la commission supérieure rejeta l'appel introduit par le M. D. contre une décision de maintien de la commission, au motif que l'état de santé mentale de l'intéressé justifiait sa détention. Son pourvoi en cassation fut rejeté par la Cour de cassation.

Les recours introduits par M. D. devant le juge judiciaire furent également rejetés. Dans l'intervalle, les démarches entreprises par les autorités ou par M. D. lui-même en vue d'un placement dans l'un des "centres d'hébergement extérieurs" reconnus par l'établissement spécialisé furent infructueuses, faute de places disponibles ou en raison du profil psychiatrique de l'intéressé. Invoquant l'article 3 de la CESDH, M. D. se plaignait de sa détention carcérale depuis plus de neuf ans, sans soins appropriés à son état de santé mentale et sans perspective réaliste de réinsertion.

Pour conclure à la violation de l'article 3, la Cour relève que la situation dont était victime M. D. relevait de problèmes d'ordre structurel : d'une part, l'encadrement médical des internés dans les ailes psychiatriques des prisons n'est pas suffisant et, d'autre part, le placement à l'extérieur des prisons s'avère souvent impossible, soit en raison du manque de place ou de place adaptée au sein des hôpitaux psychiatriques, soit du fait du dispositif législatif qui ne permet pas aux instances de défense sociale d'imposer le placement dans une structure extérieure qui considèrerait l'interné comme indésirable.
Source : Actualités du droit