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Cession de créance : interprétation stricte des conditions d'exercice du retrait litigieux

Civil - Contrat, Sûretés
27/04/2017
Le retrait litigieux, institution dont le caractère exceptionnel impose une interprétation stricte, ne peut être exercé que si, antérieurement à la cession, un procès a été engagé sur le bien-fondé du droit cédé et qu'au cours de l'instance, celui qui entend exercer le retrait a, en qualité de défendeur, contesté ce droit au fond. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 20 avril 2017.
En l'espèce, une banque a consenti deux prêts garantis par un engagement de caution. Les débiteurs principaux s'étant montrés défaillants, la banque les a assignés en paiement ainsi que la caution. La banque a cédé un portefeuille de créances incluant celle née des prêts en question. Pour s'opposer à la demande reconventionnelle de la caution fondée sur la faute qu'aurait commise la cessionnaire des créances en refusant de lui communiquer l'acte de cession et en l'empêchant ainsi d'exercer son droit au retrait litigieux, cette dernière a soutenu, notamment, que la créance cédée n'était pas litigieuse à la date de la cession.

La cour d'appel a retenu que les conditions du retrait litigieux étaient remplies et que la cessionnaire avait commis une faute en privant la caution de la chance d'effectuer son droit de retrait litigieux en s'opposant à la communication de l'acte de cession de créances permettant de vérifier que le prix de la créance litigieuse pouvait être individualisé. Elle a constaté que la caution, à la suite de plusieurs mises en demeure de payer le solde des prêts impayés, avait, par deux lettres, manifesté sa contestation en soutenant, d'une part, que son consentement à l'acte de cautionnement avait été vicié par les fausses déclarations des débiteurs principaux et, d'autre part, que le défaut de diligence et de sérieux de l'analyse effectuée par les services de la banque lors de la constitution du dossier était constitutif de dol. Ainsi, si la caution n'avait formalisé que par conclusions en date du 6 mai 1999 sa contestation à l'action en paiement de la banque, il n'en demeure pas moins que l'assignation en paiement qui lui a été délivrée le 16 septembre 1998 faisait suite à sa contestation et qu'à la date du 19 février 1999 à laquelle la cession est intervenue, il existait un litige qui opposait, sur le fond du droit, le créancier à la caution défenderesse et qui était pendant devant le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre.

La Cour de cassation, énonçant le principe précité, censure l'arrêt d'appel au visa de l'article 1700 du Code civil : la créance cédée n'avait fait l'objet, dans le cadre de l'instance engagée par la banque à l'encontre des débiteurs principaux et de leur caution, d'aucune contestation sur le fond antérieurement à la cession, de sorte que les conditions du retrait litigieux n'étaient pas réunies et la caution n'avait donc pas été privée de la possibilité de l'exercer.

Par Vincent Téchené
Source : Actualités du droit