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La semaine de la procédure pénale

Pénal - Procédure pénale
14/06/2021
Présentation des dispositifs des derniers arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en procédure pénale.
Ordonnance de placement en détention provisoire – appel – unique objet
« M. X, mis en examen des chefs reprochés et placé sous contrôle judiciaire avec obligation de ne pas se rendre en Ile-de-France, a fait l’objet, le 12 janvier 2021 à 19 heures 20, d’un contrôle routier dans le 18e arrondissement de Paris. L’intéressé a été placé en rétention judiciaire le même jour à 19 heures 30.
Le juge d’instruction du tribunal judiciaire de Paris, informé le 13 janvier à 14 heures 02 de la rétention de M. X, a ordonné sa comparution devant lui à 19 heures 30.
M. X, dont la retenue effectuée en application de l’article 141-4 du code de procédure pénale a été levée le 13 janvier à 19 heures 20, a été présenté au juge d’instruction le 14 janvier à 11 heures 40.
Par ordonnance en date du 14 janvier 2021, le juge des libertés et de la détention a ordonné la révocation du contrôle judiciaire de M. X et son placement en détention provisoire.
M. X a relevé appel de cette décision.
 
Ce moyen, qui a été soumis à la discussion des parties, est pris de la violation de l’article 186 du Code de procédure pénale.
Vu ledit article :
En permettant aux personnes mises en examen de relever appel des ordonnances qu’il prévoit, le texte susvisé leur a attribué un droit exceptionnel dont elles ne sauraient s’autoriser pour faire juger, à l’occasion d’une de ces procédures spéciales, des questions étrangères à son unique objet.
Pour infirmer l’ordonnance du juge d’instruction et ordonner la remise en liberté de M. X après l’avoir placé sous contrôle judiciaire, l’arrêt attaqué énonce, notamment, que le principe de l’unique objet de l’appel ne fait pas obstacle à ce que soit invoquée devant la chambre de l’instruction saisie d’un appel à l’encontre d’une décision de placement en détention provisoire une irrégularité de la procédure relative à un acte étant le support nécessaire de cette décision.
Les juges ajoutent, en se référant aux articles 803-2 et 803-3 du code de procédure pénale ainsi qu’à la réserve formulée par le Conseil constitutionnel sur ce dernier texte dans sa décision n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010, que le magistrat instructeur, informé du placement en rétention de M.  X, a ordonné sa présentation devant lui sans préciser au fonctionnaire de police que la comparution effective de l’intéressé serait différée au lendemain.
Ils retiennent qu’il se déduit de la procédure que M.  X conduit devant le magistrat instructeur à l’issue du délai de vingt-quatre heures de sa rétention judiciaire n’a pas été informé du report de sa comparution ni du motif de ce report de sorte qu’il en résulte nécessairement une atteinte à son droit à comparaître devant un juge le jour même de sa présentation au tribunal judiciaire.
Ils concluent qu’il ne résulte pas de la procédure d’élément permettant à la chambre de l’instruction d’apprécier les circonstances ayant pu justifier que l’intéressé ne comparaisse que le 14 janvier 2021 devant le magistrat instructeur de sorte que la comparution de M.  X devant ce magistrat à compter de 11 heures 40 est tardive et que par conséquent la saisine du juge des libertés et de la détention découlant de cette comparution, support nécessaire au débat contradictoire et à l’ordonnance de révocation du contrôle judiciaire de l’intéressé est irrégulière.
En se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction, alors que, saisie de l’unique objet de l’appel d’une ordonnance de placement en détention provisoire elle ne pouvait prononcer sur l’irrégularité des conditions de mise en œuvre de la rétention judiciaire prévue par l’article 803-3 du Code de procédure pénale, qui n’est pas un titre de détention, a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
La cassation est par conséquent encourue sans qu’il soit nécessaire d’examiner le moyen présenté en demande ».
Cass. crim., 8 juin 2021, n° 21-81.515, FS-P *
 
 
Détention provisoire – isolement – cassation
« Vu les articles 570 et 571 du Code de procédure pénale :
Le demandeur n’ayant pas déposé au greffe la requête prévue par les articles précités, il convient de se prononcer d’office.
Il résulte de l’article 145-4-1 du Code de procédure pénale que l’ordonnance du président de la chambre de l’instruction saisi d’un appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance du juge d’instruction statuant sur la mise à l’isolement d’une personne placée en détention peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation.
Cependant une telle ordonnance entre dans la catégorie des décisions visées par les articles 570 et 571 du code de procédure pénale. L’examen immédiat du pourvoi est par conséquent subordonné à une décision en ce sens du président de la chambre criminelle.
En l’espèce, ni l’intérêt de l’ordre public ni celui d’une bonne administration de la justice ne commandent l’examen immédiat du pourvoi dont elle a fait l’objet ».
Cass. crim., 7 juin 2021, n° 21-81.934, P *
 
 
Détention  provisoire – prolongation – réquisitions
« Le 2 mars 2020, M. P a été mis en examen des chefs précités et placé en détention provisoire.
Le 1er février 2021, son avocat a été convoqué en vue du débat de prolongation de la détention provisoire prévu le 22 février suivant.
Ce jour-là, avant le débat contradictoire, cet avocat a adressé au greffe du juge des libertés et de la détention un courriel indiquant qu’il ne pourrait pas s’y présenter et demandant que son client en soit informé.
La personne mise en examen a alors sollicité le report du débat.
Cette demande a été rejetée par le juge des libertés et de la détention qui a ordonné la prolongation de la détention provisoire.
M.  P a fait appel de cette décision.
 
Vu les articles 145, alinéa 6, et 145-1 du Code de procédure pénale :
Il résulte de ces textes que le juge des libertés et de la détention ne peut, à peine de nullité, prononcer sur la demande de renvoi formée à l’audience par la personne mise en examen qu’après avoir recueilli préalablement les réquisitions du ministère public, partie nécessaire au débat contradictoire sur la détention provisoire.
La méconnaissance de cette formalité est substantielle et porte atteinte aux intérêts de la personne mise en examen. La preuve de son accomplissement doit résulter du procès-verbal du débat contradictoire ou des mentions de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention.
En l’espèce, pour écarter le moyen de nullité de l’ordonnance de prolongation de la détention provisoire, prise de ce que le ministère public n’a pas été entendu en ses réquisitions sur la demande de renvoi du débat contradictoire formée par la personne mise en examen, l’arrêt énonce que le ministère public a requis la prolongation de la détention, ce qui implique que, selon lui, le débat devait avoir lieu immédiatement.
Les juges en déduisent qu’un débat contradictoire a bien eu lieu sur le report du débat.
En prononçant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et le principe susénoncé.
En effet, il ne résulte ni de l’ordonnance prolongeant la détention provisoire ni du procès-verbal de débat contradictoire, pièces dont la Cour de cassation a le contrôle, que le ministère public ait été entendu en ses réquisitions sur le renvoi de ce débat avant que le juge des libertés et de la détention ne refuse de faire droit à cette demande.
Il s’ensuit que la cassation est encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
 M. P est détenu sans titre depuis le 2 mars 2021, à 00 heure.
Il doit être remis en liberté, sauf s’il est détenu pour autre cause.
Cependant, les dispositions de l’article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des formalités prévues par ce même code, dès lors qu’elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d’information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l’un des objectifs énumérés à l’article 144 dudit Code.
Il ressort suffisamment de la procédure l’existence d’indices graves ou concordants permettant de soupçonner que M. P a commis, comme auteur ou complice, les faits pour lesquels il a été mis en examen.
En l’espèce, la mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin :
- d’empêcher une concertation frauduleuse entre M. P et ses coauteurs ou complices en ce que ce dernier est mis en examen pour des faits criminels d’association de malfaiteurs et d’importation massive de cocaïne (près de 3 300 kilogrammes en une fois) en bande organisée dont tous les membres n’ont pas encore été identifiés ; que notamment les frères T, suspectés d’avoir participé aux faits, et avec qui M. P entretiendrait des liens amicaux, n’ont pu à ce jour être entendus ; que, selon l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, en date du 25 février 2021, les différentes personnes mises en examen doivent être entendues sur le fond et éventuellement confrontées ; que même si M. P s’est expliqué devant le juge d’instruction, il convient que les actes d’information précités puissent s’effectuer sans possibilité de concertation ou de pression afin de permettre au juge de préciser les rôles respectifs de chacun ;
- de garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice en ce que celle-ci, célibataire, père d’un enfant qui n’est pas à sa charge, était dépourvue au moment de son interpellation de toute activité professionnelle ; qu’il est à craindre, compte tenu de la gravité de la peine criminelle encourue, qu’elle ne tente de se soustraire à la justice.
Afin d’assurer ces objectifs, M. P sera astreint aux obligations figurant au dispositif du présent arrêt ».
Cass. crim., 8 juin 2021, n° 21-82.017, F-P *
 
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 7 juillet 2021.
 
Source : Actualités du droit